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Notre horizon économique plombé par la faillite des bonnes idées

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Sommes-nous heureux ? Qu’allons-nous devenir ? Pourquoi j’existe ?

Des questions bien trop nébuleuses pour le penseur de l’économie, des questions qu’il préférera résumer en une seule : quel PIB par habitant ? Un indicateur critiquable, mais quantifiable.

Le PIB par habitant reste l’indicateur le plus utilisé pour évaluer nos progrès, notre rang, notre niveau de vie. Or, c’est justement sa mesure qui inquiète aujourd’hui. Le PIB par habitant croît toujours, mais de moins en moins vite, et l’horizon pourrait s’assombrir davantage encore.

En cause, le nombre de bonnes idées, promis à un avenir funeste. Sans bonnes idées, pas de progrès. Et sans progrès, le PIB par habitant est dans l’impasse. Sommes-nous au crépuscule de notre bien-être économique ?

Au cours du dernier Jackson Hole, rendez-vous annuel des grands penseurs de la politique économique, la question du long terme a été au centre des débats, un horizon qui dépasse les aléas conjoncturels et autres chocs contemporains, pour s’interroger sur ce que nous deviendrons demain.

Inévitablement, la question du PIB par habitant a été posée.

En hausse de près de 2 % par an aux États-Unis sur les 150 dernières années (« The Outlook for Long- Term Economic Growth », Charles I. Jones, 2023), le PIB par habitant ne croîtrait plus que de 1 % par an depuis la fin des années 1990. En Europe, on peut dresser le même constat, notamment en France où la croissance du PIB par habitant ne serait plus que de 0,6 % contre 1,5 % jusqu’alors. Partout dans le monde, le PIB par habitant serait pantelant.

Un constat d’autant plus troublant, qu’au même moment les nouvelles technologies de l’information vampirisent progressivement notre quotidien. Davantage de connexions, de données, de traitement de données, et toujours pas de progrès mesuré dans les statistiques économiques. La nouvelle ère a-t-elle perdu sa virginité ? Il est probablement trop tôt pour se prononcer. Mais si l’on prolonge le trait, alors la thèse désenchantée a quelques arguments.

Le progrès technique n’aurait pas fini de ralentir sa course. Car les ingrédients nécessaires à la découverte, à l’innovation, se feraient plus rares. Et ces ingrédients se sont les bonnes idées (Paul Romer, prix Nobel d’économie en 2018). Des bonnes idées dont le nombre devrait continuer de croître, mais de moins en moins vite. La faillite des bonnes idées anticiperait alors un âge sombre du progrès technique. Or, sans progrès point de salut pour le PIB par habitant. Et notre niveau de vie cale.

Le nombre de bonnes idées menace de croître de moins en moins vite pour deux raisons majeures :

  1. La croissance des idées trouvées devrait décélérer (effet quantité).
  2. Parmi les idées trouvées, celles de qualité devraient être plus rares encore (effet qualité).

 

Un effet quantité défavorable

Le nombre d’idées dépend du nombre de personnes qui cherchent. Or, nos démographes prévoient une croissance de la population mondiale de plus en plus faible, voire négative pour les années à venir. Surtout dans les économies dites développées qui sont aussi celles où l’on cherche le plus.

Mais le nombre d’idées dépend aussi du nombre d’idées à trouver. C’est la thèse de l’économiste Robert Gordon, qui postule que les plus grandes idées ont déjà été trouvées, car elles étaient les plus accessibles. Et que désormais, il ne reste que les plus difficiles.

Si l’on suit ce raisonnement, alors le potentiel d’idées trouvées semble bridé pour longtemps.

 

Un effet qualité aussi défavorable

La qualité des idées trouvées dépend de la qualité des chercheurs, en quelque sorte.

Or, la contrainte du publish or perish s’est imposée comme la feuille de route à suivre du chercheur. Il est mis en demeure de trouver un résultat à publier, le but de la recherche étant accessoire. Des résultats oui, mais surtout pas des résultats négatifs, ceux-là qui concluraient sur un échec, au bout d’une longue recherche. Enfin, on pourrait citer la qualité des institutions comme facteur favorable à la production d’idées de qualité. De ce point de vue, les démocraties dites libérales seraient dites les mieux armées pour offrir un cadre indépendant et protecteur au chercheur.

Cette lecture du progrès technique par le nombre de bonnes idées nous éclaire, mais ce qu’elle donne à voir n’est donc pas très réjouissant. En panne de bonnes idées, le progrès patine. Et sans progrès pour le sublimer, le PIB par habitant ne peut pas faire de grands projets. Notre niveau de vie a augmenté de manière insolente au cours des 150 dernières années.

La lune de miel est peut être terminée. À moins que l’intelligence artificielle nous décharge de l’insupportable tâche de trouver de bonnes idées ?


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